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Confinement : les astuces d’un skipper du Vendée Globe pour résister mentalement

Romain Attanasio, 42 ans, a passé près de 110 jours en mer lors du Vendée Globe 2016-2017, course autour du monde en solo sans étape ni assistance qu’il termina à la 15e place. Ce spécialiste du confinement et de la solitude explique comment maintenir le cap mentalement pour les semaines à venir.

Prendre le temps de réfléchir

« Durant les mois de préparation d’avant course, je m’isole et me “confine” mentalement très régulièrement pour me retrouver et réfléchir seul à tout ce que je dois faire. Je pense que cette période de confinement peut tous nous permettre de faire un peu d’introspection et de se recentrer sur soi. Mais cela ne doit non plus durer trop longtemps, sinon on peut vite se mettre à trop gamberger, à se poser de mauvaises questions plutôt que de trouver de bonnes solutions. Le mieux est de le faire en étant en mouvement ou occupé à une activité monotone. Moi, c’est souvent quand je conduis ou quand je tonds la pelouse. »

Faire les choses plus lentement

« Lors du Vendée Globe 2016, j’ai cassé une pièce de ma bôme à seulement quatre jours de l’arrivée. J’étais pressé d’en finir, donc je voulais réparer vite. Sauf que dans la précipitation, je me suis rendu compte que je faisais n’importe quoi. Et surtout, que j’avais le temps ! Je conseillerais donc ceci en ce moment : cette période compliquée nous offre le petit luxe d’avoir du temps pour bien faire les choses que l’on fait d’ordinaire à la va-vite, alors prenons-le ! Et puis ça permet de l’étirer et de le faire passer plus vite. »

Respecter des horaires

« En mer, la notion du temps est perturbée. Les horaires se décalent à mesure qu’on passe des fuseaux et on a beau essayer de caler notre montre, tout est très vite chamboulé – on se fie d’ailleurs plus au soleil qu’à notre tocante. Certaines personnes peuvent ressentir cela en ce moment puisque tout est figé entre quatre murs, que toutes les heures et que tous les jours se ressemblent. Pour éviter de perdre la boule, il faut se faire un planning (heures de lever et de coucher, plages de travail et de loisirs, manger à heures fixes), s’y tenir et ne pas se laisser aller, niveau alimentation notamment. En mer, je pourrais très bien p’tit dej avec un Mars et un Coca, personne ne le saurait (rires). Sauf qu’au fond de moi je sais que ce n’est pas bon. Eh bien là c’est pareil. Il faut se faire violence. Et cela permet de déjà se préparer à quand on va en sortir et reprendre notre rythme d’avant. »

Se faire plaisir… efficacement

« Être rigoureux dans son alimentation ne veut pas dire tout s’interdire, bien au contraire. En mer, quand on a un coup de mou, notre remède c’est la bouffe, clairement. C’est pourquoi on embarque des “p’tits plaisirs” qui sortent du cadre de notre régime de compétition (principalement composé de plats lyophilisés, ndlr) mais qui sont hyper réconfortants pour le moral et nous font repartir pour un tour. Alors c’est vrai que nous c’est notre métier et qu’on l’a bien voulu (rires), mais c’est applicable à tous dans cette période de confinement, qui plus est si l’on se tient à une hygiène de vie saine et un rythme “normal” : ces petits plaisirs auront d’autant plus de valeur et ils nous sortiront des moments de déprime qui vont forcément tous nous arriver à un moment donné. Mais ils ne doivent pas devenir la norme pour nous faire tenir le coup, sinon on va tous devenir obèse et alcoolique (rires) !

Visualiser des images réconfortantes

« Lors du Vendée Globe, juste après avoir passé le cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud), je tape un Ofni (objet flottant non identifié, ndlr) et je casse mes deux safrans. Pour moi, tout s’écroule. Je pense que ma course s’arrête là, j’ai le moral dans les chaussettes. Je passe trois jours à réparer dans une crique et quand je repars : la trouille ! Pendant plusieurs jours, j’ai peur d’une nouvelle collision, j’en arrive même à m’agripper à mon bateau. Je finis par en parler par radio avec un autre concurrent qui me dit : « Sors-toi ça de la tête, tu n’y peux de toute façon rien ! » Il avait raison. Avec ma préparatrice mentale, j’ai développé une technique pour vite passer à autre chose. C’est ce que j’appelle le “switch”. En cas de coup dur ou de panique, je visualise d’abord un énorme panneau « Stop » dans le ciel. J’arrête tout, je ferme les yeux, je respire calmement et je visualise un lieu que j’aime, un lieu dont je connais le paysage, le bruit, les odeurs… Cette sensation m’apaise. À force de le faire, je n’ai même plus besoin de passer par les étapes de visualisation : la sensation est tellement gravée en moi qu’elle ressurgit désormais d’elle-même quand ça ne va pas. Dans cette période de confinement, c’est nettement plus efficace que de rester à se lamenter dans son canapé. Et on retrouve vite de l’énergie pour se remettre à faire quelque chose de positif. »

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